RATIONALISATION DES AGENCES PUBLIQUES : ” IL FAUT EVITER TOUTE PRÉCIPITATION COUPABLE ” SELON AMADOU OUSMANE MBAYE MEMBRE DU CERIF

PAR IBRAHIMA DIA
Le débat sur la rationalisation des agences d’exécution et entités assimilées soit par fusion, soit par mutation juridique en société anonyme ou en établissement public décidée par Le président de la République suscite des réactions diverses .A ce propos , nous avons reçu ce communiqué de la Cerif qui compte apporter sa contribution pour faire réussir cette vision du président de la république .Selon Amadou Ousmane Mbnaye et ses amis ,l’heure est n’est pas à la précipitation et qu’il il convient d’analyser le cadre légal et réglementaire actuel d’évolution
des agences d’exécution (I) avant de proposer une analyse discutable de toutes les questions .Voici l’intéralité de la déclaration
“Les agences d’exécution en question
La réunion du Conseil des Ministres du mercredi 29 mai 2019, présidée par le Président Macky
Sall, a remis au goût du jour le débat sur la place des agences d’exécution dans la conduite des
missions de service public. La question a surtout été abordée sous l’angle de la gouvernance
normative des agences d’exécution et autres entités assimilées.
Le Président de la République a instruit le Gouvernement d’engager une réflexion sur le
processus de révision globale de leur cadre juridique en insistant sur un encadrement restrictif
en phase avec les obligations de résultats et de préservation des ressources publiques1
. Et, ilprojette d’organiser un conseil stratégique de pilotage, de concert avec des acteurs concernés.
Cette initiative entre en droite ligne avec la promesse du candidat Macky Sall, à la fois de 2012
comme de 2019, de réduire le train de vie de l’Etat, d’améliorer les modes de gestion de nos
deniers publics en vue de les hisser au niveau des standards internationaux.
Dès son installation, il a pris le décret n° 2012-1314 du 16 novembre 2012, fixant les plafonds
des salaires des dirigeants des agences et autres structures assimilées. Ce décret a ensuite été
modifié en son article 4, pour en corriger certaines incohérences, par le décret n° 2014-1186 du
17 septembre 2014.
Quelques mois après, Le Président Sall a pris une autre décision, allant dans le même sens, par
le décret N° 2014- 25 du 09 janvier 2014 portant dissolution d’agences d’exécution. Il a dissout
quatre (04) agences d’exécution dont trois s’activaient dans l’emploi des jeunes (AJEB,
l’ANAMA, ANEJ, FNPJ).
Cette décision est triplement marquante. D’abord, elle indique une volonté résolue du candidat
devenu Président de tenir une promesse électorale, et ainsi d’apporter « un coup de balai » à un
secteur très critiqué avant son accession au pouvoir.
Ensuite, elle crée un précédent qui n’a d’égal dans l’histoire du Sénégal que la décision du
Président Diouf de radier tout un corps de l’administration, en l’occurrence la Police. Par cette
décision, le Président Sall, envoya au chômage près de trois cent (300) pères de famille, dont la
plupart le sont encore.
Enfin, cette décision a mis à nu une précipitation « presque coupable » des autorités chargées
de préparer la décision du Chef de l’Etat. En effet, à l’article 4 du décret n° 2014-25 du 09
janvier 2014, il y a eu une erreur, inexplicable à ce niveau, sur le décret portant création et fixant
les règles d’organisation et de fonctionnement de l’ex ASMA, devenue ANAMA en 2012.
Ces agences, cinq ans après leur dissolution, sont encore en liquidation, à l’exception notoire
de l’ex-ANAMA.
Il faut rappeler que les agences d’exécution sont nées d’une volonté des gouvernants
d’améliorer les performances de l’administration. Cette volonté s’est traduite par une
externalisation de certaines missions au profit de structures plus légères appelées tantôt
« agence », « délégation », « fonds », « office » …etc.
1 Communiqué du Conseil des ministres du 29 mai 2019
Pour l’Etat, dans sa quête de solutions aux préoccupations des populations, il s’agissait de
s’aligner à l’exigence accrue des citoyens en termes de célérité et d’efficacité2
, parce que
l’organisation classique a montré des limites incontestables.
Selon Allen Schick : « Aussi différentes que puissent être ces motivations de création des
agences, tous attestent que le modèle traditionnel centré sur les ministères ne correspond plus
aux besoins organisationnels de l’administration ».
Sans aucun doute, ces structures ont apporté un plus à l’action publique, à plusieurs niveaux et
dans presque tous les secteurs d’activités. Cependant, certaines erreurs et des abus n’ont pas
manqué d’être relevés par différents rapports des corps de contrôle de l’Etat.
Avant d’aller plus loin, il convient d’analyser le cadre légal et réglementaire actuel d’évolution
des agences d’exécution (I) avant de proposer une analyse (discutable certes) de quelques
questions soulevées çà et là (II).
I. LE CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE DES AGENCES
D’EXECUTION
Un cadre légal (A) et réglementaire (B) a longtemps fait défaut à l’action des agences
d’exécution. Cette absence a conduit à des dysfonctionnements préjudiciables à
l’administration3
. A. Le cadre légal des agences d’exécution
La loi n° 2009-20 du 04 mai 2009 fait figure, aujourd’hui, de cadre légal de référence des
agences d’exécution.
Cette loi vise à harmoniser et à encadrer les procédures de création, ainsi que les règles
d’organisation et de fonctionnement des agences au Sénégal.
Le législateur marque, par cette loi, une volonté ferme de donner un souffle nouveau,
d’organiser et d’encadrer le processus de création d’agences. En effet, d’un nombre réduit jusque dans les années 90 (autour de deux ou trois), le nombre
d’agences a fortement augmenté au cours des années 2000. Aujourd’hui, notre pays compte
plus soixante-quinze agences et structures assimilées.
Cette augmentation exponentielle, presque incontrôlée, a induit des chevauchements parfois
entre les missions confiées à certaines agences et celles incombant à l’administration centrale.
Cette loi a introduit beaucoup de dispositions très importantes pour améliorer la gestion et la
performance des agences. On peut citer celles instituant un contrat de performance (article 5),
ou encore celle relative aux modalités de gestion et d’administration (article 6) ou encore celle
relative à la création, par décret d’une commission d’évaluation des agences existantes au
regard des objectifs initialement fixés (article 15).
2 Exposé des motifs de la loi 2009-20 du 04 mai 2009
3 Exposé des motifs de la loi 2009-20 du 04 mai 2009
Ces mesures nouvelles ont été d’application timide ou, le plus souvent, ne l’ont pas du tout été,
malgré la prise d’un décret d’application exactement un mois après la promulgation de cette
loi.
B. Le cadre réglementaire des agences d’exécution
Le décret n° 2009-522 du 04 juin 2009 est pris, exactement un mois après la promulgation de
la loi d’orientation sur les agences. Il fixe surtout les règles d’organisation et de fonctionnement
des agences d’exécution4
. Ce décret indique que les agences sont des personnes morales de droit public dotées de
l’autonomie financière et précise les attributions des organes exécutif et délibérant. Une
disposition particulière est introduite sur la nécessité, pour les agences, de signer un contrat de
performance (article 16).
Cette volonté d’encadrer et d’améliorer la gouvernance des agences est confirmée par la
publication du décret n° 2011-540 du 26 avril 2011 relatif au régime financier et comptable des
agences d’exécution.
Et pour mieux encadrer, entre autres, les pouvoirs de recrutement des Responsables des organes
exécutifs, de façon générale les décisions de toutes natures de l’organe exécutif ayant pour but
ou pour effet, la création ou la modification de rubriques budgétaires liées à des dépenses de
personnel, ont été rigoureusement réglementées par le décret n°2014-472 du 12 novembre 2014
abrogeant et remplaçant le décret de 2011. Il introduit ainsi un nouveau régime financier au niveau des agences et autres structures
assimilées. Ce décret introduit également une procédure nouvelle d’approbation des budgets de
ces structures.
En dépit d’un cadre réglementaire relativement bien structuré, certains problèmes restent agités
ou n’ont pas encore trouvé de réponses adéquates.
II. LES QUESTIONS TOUJOURS AGITEES
Malgré la publication des textes régissant, globalement, le cadre de gestion des agences,
beaucoup de questions restent agitées aujourd’hui. Nous avons choisi, d’évoquer, peut être
arbitrairement la question des moyens et son corollaire, la performance des agences (A) et les
grilles de rémunérations (B). A.
. Les moyens et la performance des agences
Les ressources des agences d’exécution proviennent, à l’exception notoire d’une ou de deux
agences, presque exclusivement des subventions et concours de l’Etat (article 10 de la loi
d’orientation). Ces subventions et concours sont inscrits au budget du ministère de tutelle sous
forme de dépenses de transferts : transferts courants pour le fonctionnement et transferts en
capital pour les investissements.
Les opérations financières et comptables sont effectuées par un agent comptable nommé par
arrêté du ministre chargé des finances sur proposition du Directeur général de la comptabilité
4 Rapport de présentation du décret 2009-522 du 04 juin 2009
publique et du trésor. C’est pourquoi, d’ailleurs, l’agent comptable est généralement un
fonctionnaire du trésor (Inspecteur ou Contrôleur) ou un agent non-fonctionnaire en service à
la Direction générale du trésor.
Ces moyens, en dépit des nombreuses critiques, ont objectivement rarement été suffisants ou
presque jamais été suffisants. C’est pourquoi les performances, dans beaucoup de cas, sont
restées mitigées. De plus certaines agences ont signé des contrats de performances qui n’ont jamais été évalués.
L’administration a introduit « une formalité impossible » car elle a mis en avant la question
pécuniaire. En effet, l’article 8 du décret 2012-1314 du 16 novembre 2012, modifié, a prévu le
paiement d’une prime de rendement aux personnels des agences d’exécution en fonction de la
réalisation des performances assignées à l’agence.
Cette question pécuniaire touche également le débat sur les grilles de rémunération des agences.
B. Les grilles de rémunération
Le décret n°2012-1314, modifié à son article 4 par le décret le décret n°2014-1186 du 17
septembre 2014 a tenté d’y apporter une solution, en s’occupant principalement des salaires des
dirigeants. La question n’est donc pas épuisée, malgré une tentative de classification des
agences en annexe 2 dudit décret.
La création des agences est, en partie, guidée par une logique de résultats. Il faut pour l’autorité
mettre en place des structures souples qui agissent vite et bien, parce les procédures classiques
de l’administration ont montré des limités objectives, malgré l’important programme de
modernisation conduit au cours des années 90, sous Maguettte DIOUF. L’échec de ce
programme amène les pouvoirs publics, plusieurs années après, à concevoir un autre
programme de modernisation de l’administration : le PAMA.
La plupart des travailleurs des agences et autres structures assimilées relèvent du Code du
travail auxquels s’ajoutent des fonctionnaires en détachement ou en disponibilité et des agents
non fonctionnaires en suspension d’engagement (article 17 du décret 2009-522 du 04 juin
2009).
Il s’agissait aussi pour l’autorité, à travers ces structures, d’attirer vers l’action publique des
compétences du secteur privé ou de maintenir dans l’administration des compétences attirées
par le privé. Il fallait donc mettre en place un système de rémunération attractif. L’article 18 du décret d’application de la loi d’orientation sur les agences renvoie à un arrêté
du ministre chargé des finances fixant les maxima de rémunération des personnels des agences.
L’arrêté n° 03954/ MEFP du 14 mars 2016 avait été pris dans ce sens. Mais les nombreuses
incohérences et les vives polémiques qu’il a soulevées, ont convaincu l’autorité à le rapporter
quinze jours après sa publication par l’arrêté n° 4952 MEFP/DGCPT/DSP du 30 mars 2016.
La réflexion demandée par le Monsieur le Président de la République devrait, à notre avis, éviter
toute précipitation coupable et/ou toute tentative revancharde, propices à certaines erreurs
susceptibles de produire les effets contraires de la commande du Chef de l’Etat. Il nous semble important d’adopter une démarche prudente et inclusive pouvant aboutir à une
certaine harmonisation cohérente et soutenable par les ressources publiques, et en travaillant
aussi sur les différents organigrammes par niveau de classification des agences.
Il ne manque pas d’intérêt, également, de tenter de réfléchir sur la viabilité financière de
certaines agences en leur permettant, dans le processus de changement de statuts, d’avoir des
ressources propres.
Les pistes de solution existent, certaines structures sont d’ailleurs assez avancées dans la
réflexion.”
Amadou Ousmane MBAYE
Membre du CERIF
joulaabe@gmail.com